Wednesday, October 2, 2013

Le Prophète


Alors un maçon s’avança et dit, Parlez-nous de Maisons.

Et il repondit et dit:

Bâtissez de vos rêves une retraite dans le désert avant de bâtir une maison dans l’enceinte de la ville.

Car de même que vous avez des retours au foyer en votre crépuscule, ainsi le voyageur en vous, celui qui est toujours loin et seul.

Votre maison est votre plus grand corps.

Elle grandit dans le soleil et dort dans le silence de la nuit; et ell n’est pas sans rêves. Votre maison ne rêves-t-elle pas? et en rêve, ne quitte-t-elle pas la ville pour le bosquet ou la colline?

O si je pouvais cueillir vos maisons dans ma main et comme un semeur les éparpiller dans les forêts et les prés.

Fasse que les vallées soient vos rues et les verts sentiers vos ruelles, que vous puissiez vous chercher l’un l’autre à travers les vignes et ramener les senteurs de la terre dans vos vêtements.

Mais il n’est pas encore le temps de ces choses.

Dans leur peur, vos aïeux vous ont rassemblés trop près l’un de l’autre. Et cette peur durera encre un peu de temps. Encore un peu de temps les murs de vos cités sépareront vos foyers de vos champs.

Et dites-moi, peuple d’Orphalese, qu’avez-vous dans ces maisons? Et que gardez-vous derrière ces portes fermées?

Avez-vous la paix, la tranquille impulsion qui révèle votre puissance?

Avez-vous des souvenirs, ces voûtes brillantes qui surplombent les sommets de l’esprit?

Avez-vous la beauté, qui détourne le couer des objets faits de bois et de pierre pour l’orienter vers la montagne sainte?

Dites-moi, avez-vous cela dans votre maisons?

Ou n’avez-vous que le bien-être, et la convoitise du bien-être, ce désir furtif qui entre en invité dans la maison, puis y devient un hôte, et puis un maître?


Oui, et il devient dompteur, et avec fourche et fouet il fait des pantins de vos plus généreux désirs.

Bien que ses mains soient de soie, son couer et de fer.

Il vous berce jusqu’au sommeil uniquement pour hanter votre chevet et se gausser de la dignité de la chair.

Il se moque de vos sens qui son bons et les couche dans de l’ouate comme des vases fragiles.

En vérité, la convoitise du bien-être tue la passion de l’âme, et suit en ricanant ses funérailles.


Mais vous, enfants de l’espace, vous les inquiets dans le repos, vous ne serez ni capturés ni apprivoisés.

Votre maison ne sera pas une ancre mais un mât.

Elle ne sera pas un voile étincelant qui couvre une plaie, mais une paupière qui protège l’oiel.

Vous ne replierez pas vos ailes afin de pouvoir franchir les portes, ni ne courberez vos têtes pour qu’elles ne heurtent pas les plafonds, ni ne craindrez de respirer de peur que les murs ne se fendent et s’écroulent.

Vous n’habiterez pas des tombes construites par les morts pour les vivants.

Même faite avec magnificence et splendeur, votre maison ne saurait contenir votre secret ni abritrer votre désir.

Car ce qui est infini en vous habite le château du ciel, don’t la porte est la brume du matin, et don’t les fenêtres sont les chants et les silences de la nuit.

Khalil Gibran